Reconduction ou renouvellement ? par Century 21 Sud Conseils Partners Perpignan
Et tout d’abord, pour commencer, voici une petite devinette.
Une intruse s’est glissée parmi ces trois locutions :
- tacite reconduction
- tacite prolongation
- tacite renouvellement
... saurez-vous l’identifier ?
Pas facile, n'est-ce pas ? Eh bien, il fallait répondre… « tacite renouvellement » !
Nous allons à présent détailler le pourquoi de cette réponse.
1) La tacite reconduction ou tacite prolongation du bail commercial
Un bail commercial est tacitement reconduit (ou tacitement prolongé : vous aurez compris qu’il s’agit de la même chose) lorsqu’aucune des parties – bailleur et preneur – ne prend l’initiative de faire quoi que ce soit à l’échéance du bail commercial parvenu à échéance. On rencontre souvent cette situation car, du côté du locataire, on a « la tête dans le guidon » et on laisse passer l’échéance, tandis que du côté bailleur, on ne pense pas toujours à proposer un congé assorti d’une offre de renouvellement, suivant en cela ce qui se pratique pour les baux d’habitation (voir à ce sujet notre article Le bail commercial § 11). Pas de panique : les conditions et les charges du bail commercial continuent de s’appliquer tout au long de la période de tacite reconduction. Le locataire doit donc poursuivre l’exécution de ses obligations : exploitation du commerce, garnissement du local, paiement du loyer et des charges etc. Ces dispositions s’appliquent aussi, et bien évidemment, au bailleur.
Corollaire : comme les conditions du bail commercial continuent de s’appliquer, cela signifie que le loyer pourra être révisé selon les dispositions initialement prévues (indexation annuelle ou triennale). Dans le même ordre d’idées, la réception d’un courrier de révision légale de loyer ne constitue en aucun cas une offre de renouvellement de bail. Révision légale écrite de loyer et renouvellement de bail sont deux choses absolument distinctes : nous sommes ici en régime de tacite reconduction et nous le restons tant qu’aucune des parties ne souscrit au formalisme du renouvellement dont vous trouverez les détails dans notre article Le bail commercial § 8 & 11).
En résumé, la tacite reconduction du bail commercial, si elle ne vaut pas renouvellement du bail n’en entraîne pas moins, pour le locataire et le bailleur, l’obligation de remplir leurs obligations respectives telles qu’elles ont été définies dans le bail commercial.
2) Alors, quelles sont les conséquences de la tacite reconduction (ou tacite prolongation) du bail commercial ?
La tacite reconduction du bail commercial entraîne deux conséquences principales :
a) Sur les modalités de demande de renouvellement
Vous aurez compris que dans le cas où, en tant que locataire, vous êtes dans une perspective de vente de votre commerce ou entreprise, rien ne vaut un bail commercial renouvelé (et non pas seulement tacitement reconduit) si vous voulez rassurer et l’acquéreur et le banquier.
Le locataire jouissant d’un bail commercial tacitement reconduit peut demander à tout moment le renouvellement du bail au cours de la période de tacite prolongation. Une petite subtilité réside en ce que cette demande de renouvellement prendra effet le premier jour du trimestre civil suivant cette demande qui devra avoir été faite dans le respect du formalisme nécessaire (cf. notre article Le bail commercial § 8).
Prenons le cas d’un bail commercial parvenu à échéance le 31 décembre 2021 et en tacite reconduction depuis cette date. Si le congé assorti d'une demande de renouvellement est expédié au bailleur le 15 septembre 2023, le renouvellement prendra effet le 1er octobre 2023. On voit qu’il n’est nul besoin dans ce cas de respecter un préavis de six mois et encore moins d’attendre la date anniversaire d’échéance du bail.
Du côté du bailleur, en gardant le même exemple que ci-dessus, le renouvellement sera obligatoirement signifié auprès du locataire au moyen d’un congé avec offre de renouvellement, à tout moment. À ceci près que ce congé prend effet le dernier jour du trimestre civil en cours au moment de sa signification pour un renouvellement six mois après cette date.
Pas de panique ! Un exemple va illustrer clairement ce qui vient d’être dit :
Soit un bail commercial en tacite prolongation depuis le 31 décembre 2021. Le propriétaire bailleur signifie au locataire son congé avec offre de renouvellement le 12 février 2023. Le renouvellement prendra donc effet le 31 mars 2023 (dernier jour du trimestre civil en cours) + six mois = 1er octobre 2023 (article L145-9 du Code de commerce).
Toutefois, et comme nous le mentionnions dans notre article sur le bail commercial, "[...] la situation de tacite prolongation ou reconduction du bail commercial entraine des conséquences et obligations pour le bailleur et pour le preneur [...]" (§ 9) ; par exemple, un locataire qui donne son congé sans demande de renouvellement sera redevable de six mois de loyer à compter du premier jour du trimestre civil suivant la date dudit congé. Vous suivez ? Vite, un exemple ! Soit la même demande de congé que précédemment, mais sans demande de renouvellement, expédiée par le locataire au bailleur en date du 15 septembre 2023. Le congé prendra toujours effet le 1er octobre suivant et le locataire - s'il n'a pas de successeur - sera redevable des loyers jusqu'au 31 mars 2024 (sauf entente préalable des parties, bien sûr).
Rappelons que, dans le cas d'un bail commercial en cours ou renouvelé avec tout le formalisme nécessaire, si le preneur formule une demande de congé sans renouvellement auprès du bailleur, il restera redevable des loyers restant à courir jusqu'au terme de la période triennale entamée... ce qui peut se révéler très onéreux !
b) Sur le montant du loyer renouvelé si la tacite reconduction se prolonge au-delà de trois ans de l’échéance du bail commercial
Nous savons que les augmentations légales du loyer commercial sont encadrées par le législateur (voir à ce sujet notre article Le bail commercial § 1 & 2 ) tant en ce qui concerne l’indice de référence retenu que le taux d’augmentation annuel. On parle d’un renouvellement de loyer plafonné et de lissage de l’augmentation. Or, si un bail commercial se prolonge tacitement au-delà de trois ans suivant son échéance, soit après une durée de douze (12) ans, le plafonnement et le lissage ne s’appliquent plus. Cela signifie que le loyer n’est plus contraint par ce dispositif de plafonnement et qu’il pourra être, par exemple, fixé en fonction de la valeur locative, à dire d’expert par exemple. Puisque cette valeur locative peut être supérieure de plus de 10 % à l’ancien loyer, on parle alors de déplafonnement du plafonnement ; et comme ce changement de loyer peut intervenir sans étalement dans le temps, la règle de lissage ne s’applique plus.
3) Conclusion
Avez-vous remarqué que, dans tout ce qui précède, il n'a jamais été question de "tacite renouvellement" ? Et pour cause : un bail commercial n'est jamais tacitement renouvelé. Bien au contraire, son renouvellement nécessite un certain formalisme (cf. Le bail commercial § 11 et sq.).
La tacite reconduction, ou prolongation, ne modifie pas les conditions du bail ni les obligations du bailleur et du locataire l’un envers l’autre telles qu’édictées dans le bail commercial écrit. Elle n’inaugure donc pas une période de non-droit.
En revanche, elle permet de résilier plus rapidement le bail commercial puisque les parties n’ont plus à attendre une échéance triennale pour signifier un congé, moyennant un préavis de six mois.
De plus, si elle se prolonge au-delà de trois ans après l’échéance du bail, elle permet de s’affranchir des règles de plafonnement et de lissage pour fixer, par exemple, le nouveau loyer à sa valeur locative estimée sans avoir à l’augmenter par paliers annuels de 10 %. C’est le déplafonnement.
Enfin, en cas de vente du fonds de commerce ou de l’entreprise, mieux vaudra jouir d’un bail commercial renouvelé suivant le formalisme requis afin de rassurer les acquéreurs et les partenaires financiers (voir à ce propos Le bail commercial § 8).
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